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Quel support pour un apprentissage efficace ?

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2015_12_22_support_memoireQuel est le meilleur support média pour la mémoire et donc pour un apprentissage efficace ? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’image et la télévision ne sont pas d’aussi bons supports que cela. Et le fait de répéter à haute voix pour mémoriser un contenu (cours, textes de théâtre, liste de mots..) n’est pas une si mauvaise idée que cela.

Les Texte et illustrations : de l’ours Ruppert à la carte de géographie

Dans notre expérience (7 portes), le manuel illustré ne donne pas de meilleurs résultats que le texte seul (lecture) probablement parce que beaucoup de documentaires étaient abstraits (par exemple, poussée d’Archimède). C’est là où la comparaison d’études est utile, car les documents et illustrations utilisées ne sont pas les mêmes.

Ainsi, dans la remarquable synthèse de 155 études réalisées par Howard Levie et Richard Lentz, de l’université d’Indiana, les illustrations sont efficaces seulement si elles sont pertinentes par rapport au texte. Dans toutes ces études, les documents sont variés allant de livres pour enfants (« L’Ours Rupert ») à des documents scolaires et les âges sont également variés, de 9 ans à l’âge du lycée (15-18 ans).

Les résultats montrent que dans la plupart des études les illustrations sont efficaces. Cependant il faut distinguer la relation entre l’illustration et le texte. Les illustrations sont efficaces si elles décrivent des informations du texte (+35% en moyenne). Si au contraire les illustrations sont purement esthétiques alors elles ne sont pas efficaces (+ 5%) par rapport au texte seul.

Prenons quelques exemples et quelques cas extrêmes.
En général, dans ces études il s’agit d’enfants et de textes concrets. Par exemple des dessins humoristiques genre cartoons n’apportent qu’un faible bénéfice (+11%) car seulement esthétiques alors que des schémas en biologie apportent un bénéfice de 28%. Le record de l’illustration est détenu par le schéma de montage de jouet qui donne une efficacité de 400% (c’est-à-dire une efficacité multipliée par 4) dans un montage réel (Stone et GIock, 1 981, cit. Levie et Lenz)… De fait, essayez de monter un vaisseau spatial en Lego sans la notice… !

En revanche, et ceci rejoint les études sur la lecture, les illustrations peuvent aider les enfants faibles lecteurs (+ 35% contre +19% pour les bons) et apportent une meilleure compréhension lorsque les textes sont ambigus (+ 55%). Enfin, les études montrent une meilleure efficacité à long terme de l’illustration. C’est remarquable dans l’étude de Peeck (1 974, cit. Levie et Lenz) avec des livres sur l’ours Ruppert chez des enfants de 9-10 ans : alors que le rappel immédiat de l’histoire ne permet qu’une efficacité négligeable de l’illustration (+10%), cette efficacité est de + 60% dans un rappel après un jour, et + 80% après un délai d’une semaine.

Les schémas, diagrammes, organigrammes…

« Un schéma vaut mieux qu’un long discours » ! Certaines illustrations sont simplifiées et codées, comme les cartes ou les diagrammes. L’utilisation de schémas, diagrammes, organigrammes, est un procédé très classique qui permet de visualiser une organisation (Lieury, 1997. 2005).

Sur les schémas et diagrammes « classiques », si je puis dire, les études réalisées indiquent des résultats variés. Les résultats sont généralement très bons pour les cartes. Ainsi dans un texte sur une tribu fictive d’Afrique, la carte légendée permet une efficacité de +60% (Dean et Kulhavy, 1981, cit. Levie et Lenz) et même jusqu’à 200% pour une carte avec des repères (Schwartz et Kulhavy, 1981, cit. Levie et Lenz).

Contrairement aux cartes dont le principe est de visualiser des relations spatiales, les schémas ou diagrammes permettent, par l’ajout de flèches et autres graphismes (bulles…) de visualiser des relations conceptuelles. Les résultats sont en général assez bons (+ 30% ) mais peuvent être désastreux s’il y a surcharge d’informations (Holliday, 1976, cit. Levie et Lenz ; Lieury, 1997).

2015_12_06_ecran_memoireLes sept portes de la mémoire

La coexistence entre deux grands types de représentations en mémoire, le verbal ou l’imagé et de trois possibilités principales de présentation, le visuel, l’auditif et l’audiovisuel pour les mots (mot lu et mot entendu) aboutit à 7 combinaisons de présentation de l’information dans l’enseignement et la vie courante Dans une recherche réalisée au collège (sur près de cent élèves), nous avons voulu comparer l’efficacité de ces différents médias à partir de documentaires télévisés extraits de E = M6 (par exemple, la poussée d’Archimède ou l’audition). La mémorisation a été mesurée par un questionnaire à choix multiples.

Les résultats indiquent que les modes les plus efficaces sont la lecture d’un texte simple et la lecture d’un manuel (dont les scores sont statistiquement équivalents).

Efficacité des 7 présentations d’un documentaire

Dans cette expérience (et dans d’autres) la lecture reste, malgré l’évolution technique ou esthétique de certains médias, la reine des médias.

Lu lecture… livre, manuel, tableau, écran…

La lecture, qu’elle ait pour média le livre courant (sans illustration) ou le manuel (illustré), est la plus efficace dans cette expérience, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres. Pourquoi l’audio (oral) et l’image (télévision) sont si peu efficaces ?

Lecture contre écoute

Souvent, on entend dire : « Moi, j’ai une meilleure mémoire visuelle car j’apprends mieux en lisant… » En fait, ce n’est pas une particularité personnelle, c’est le cas général, que l’on retrouve bien dans l’étude précédente et dans d’autres (Furnham et coll, 1 988). Mais pourquoi donc, puisque notre mémoire iconique est éphémère ? C’est qu’au niveau de la lecture de phrases, de textes ou même de documents entiers, la mémorisation fait intervenir des niveaux supérieurs, la mémoire lexicale et la mémoire sémantique. À ce niveau, l’apprentissage est meilleur mais à une condition, c’est que la vitesse de lecture soit libre.

Lorsque le défilement des mots sur un écran est imposé à la même vitesse que l’audio, alors les mots présentés visuellement ou auditivement sont rappelés de façon équivalente (Lieury et Choukroun, 1985). Mais lorsque la lecture est libre (relecture et retours en arrière possibles) alors, la lecture est supérieure à l’écoute. Dès lors, si l’on reprend les résultats de l’expérience « 7 portes », on trouve du point de vue de l’efficacité, en seconde position, l’audiovisuel (mots écrits au tableau ou sous-titres) et en queue de peloton, l’auditif (cours oral ou télévision).

Deux mécanismes sont en cause dont le premier concerne la supériorité de l’audiovisuel sur l’audio. En effet, l’audio suffit seul pour les mots familiers (« abeille ») mais lorsque le mot est peu familier ou inconnu, comme « Hatchepsout » ou « ornithorynque », il faut bien une présentation visuelle pour mémoriser l’orthographe. Le second mécanisme concerne la supériorité du visuel seul (livre et manuel illustré). C’est étonnant à première vue car on penserait volontiers que l’audiovisuel devrait être supérieur au visuel seul puisqu’il cumule les avantages du visuel et de l’audio.

Mais non, car si l’audiovisuel cumule les points positifs il additionne aussi les points négatifs, notamment l’impossibilité de revenir en arrière dans la présentation audio (cours oral ou télévision). Or lorsque l’information est complexe, il faut revenir en arrière pour mémoriser, un seul passage ne suffit pas. Ces retours en arrière ou pauses sont faits automatiquement dans la lecture et les enregistrements par caméra montrent que les saccades oculaires font de nombreux retours en arrière pour les mots complexes ou un texte difficile à comprendre.

La lecture, loin d’être un média dépassé, est un mode autorégulé de prise d’information et qui permet en outre de percevoir l’orthographe et de mieux constituer la fiche lexicale du mot.

Qu’est-ce que la mémoire imagée ? Comment fonctionne t-elle ?

Depuis l’observation de Simonide au Ve siècle avant notre ère, il semblait établi que la mémoire des images était supérieure à la mémoire des mots.

Pourtant l’intérêt pour les images a diminué après Descartes et dans certaines théories qui privilégiaient les mots et les associations verbales. Cependant, avec l’ essor des m2016_08_29_memoire_imageeoyens de communication de image, cinéma, bandes dessinées et surtout la télévision, la recherche fondamentale sur l’image s’est développée, sous l’impulsion de chercheurs comme Allan Paivio au Canada, Gordon Bower aux USA, et, en France, Paul Fraisse, Michel Denis et moi-même.

Et c’était tout simple à démontrer mais il fallait une indépendance d’esprit pour s’intéresser aux images alors que les théories dominantes ne s’intéressaient qu’aux mots et aux associations verbales. De même en France, au pays de Descartes, les bandes dessinées étaient vues jusqu’aux années soixante comme de la sous-littérature réservée à ceux qui n’aimaient pas lire.

Et pourtant, une expérience simple (que Descartes aurait pu faire avec des dessins) consiste à comparer la mémorisation d’une liste de mots familiers (bateau, abeille, horloge…) à celle d’une liste d’images (ou dessins) des mêmes concepts (le dessin d’un bateau, d’une abeille, etc.). Allan Paivio a réalisé le premier ce genre d’expériences. Dans une expérience que j’ai faite plus tardivement, le rappel immédiat des mots est de 43 alors que 57 des images sont rappelées en moyenne pour 210 lycéens.

Dans un test de reconnaissance où il faut reconnaître les bons mots ou les bonnes images parmi des pièges, les mots sont reconnus avec un taux de 70 contre près de 90 pour les images.

Par ailleurs, la capacité de la mémoire imagée semble considérable. À New York, Standing, Conezio et Haber (1970) ont présenté jusqu’à 2 500 photos (il a fallu 4 jours) à des étudiants qui, dans un test de reconnaissance portant sur 280 photos, en ont reconnu 90 , ce qui donne à peu près 2 ooo photos stockées en mémoire. Le poète Simonide avait raison contre le savant Descartes.

Faut-il répéter (à voix basse ou à voix haute) pour bien mémoriser ?

S’il existe une mémoire lexicale d’entrée, d’autres expériences indiquent qu’il existe un autre système pour la sortie, à l’instar de l’imprimante pour l’ordinateur, c’est le système lexical de sortie ou vocalisation. Dans le cerveau, ce centre correspond à la partie frontale inférieure gauche, qui programme les muscles du larynx et de la bouche. En cas de lésions, les patients ne peuvent plus parler, c’est l’aphasie.

Quand nous avons l’impression d’entendre « auditivement » dans notre tête, c’est de notre propre parole dont il s’agit ; ainsi, les mots sont réinjectés dans notre mémoire lexicale. Le rôle de la vocalisation a initialement été étudié par la Canadienne Betty Ann Levy entre autres pour savoir si la lecture silencieuse était efficace.

En effet, contrairement à l’intuition, la lecture normale s’accompagne automatiquement d’une vocalisation, à voix basse chez l’enfant et intériorisée chez l’adulte ; appelée dans ce cas subvocalisation, dont l’adulte n’est pas conscient mais qui peut être enregistrée par l’activité électrique des muscles du larynx. Cette subvocalisation (ou lecture à voix basse chez l’enfant) est-elle nécessaire ou est-ce une habitude que l’on peut supprimer ?

Une manière aisée de supprimer cette subvocalisation est d’obliger le participant à vocaliser autre chose pendant la mémorisation : répéter des chiffres ou répéter « lalalalala… ». En fait, ce qu’on dit importe peu, c’est d’occuper le système vocal qui est important. Les expériences ont montré que la suppression de la vocalisation provoquait une baisse de mémoire, d’environ 40 à 60 . La vocalisation, ou subvocalisation, est donc nécessaire pour l’apprentissage. Généralement, la subvocalisation est répétitive, on l’appelle alors « autorépétition » ou boucle articulatoire (Baddeley), ou boîte à écho.

Bien que ce processus de la mémoire paraisse élémentaire et ressemble à une mémoire de perroquet, il ne faudrait pas le négliger car il permet d’autorépéter les informations (numéro de téléphone, nom propre, etc.) et de mieux les enregistrer comme l’a montré le chercheur anglais, Alan Baddeley. La vocalisation et l’autorépétition permettent aussi de servir de mémoire auxiliaire dans le calcul mental, ou pour mieux comprendre des longues phrases.

Texte et extrait : Alain LIEURY

Alain Lieury était Professeur émérite de psychologie cognitive à l’université Rennes 2. Auteur de plus de 20 ouvrages, il a notamment publié chez Dunod le manuel visuel de licence Psychologie cognitive (2008), Psychologie de la mémoire (2004), Mais où est donc ma mémoire (2005). (Voir article Wikipédia)


 

 

Pour voir le livre:Cliquez ici

 

 


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